Nouvelle aventure en Israel / Newsletter 7
Publié le 21 mai 2025 | pas de réaction
Un dernier voyage en famille Avant notre départ, nous avons pu réaliser un dernier voyage en famille. En raison des tensions persistantes entre le Liban et Israël durant une grande partie de notre séjour, Olivia n’avait pas encore eu l’occasion de découvrir le nord du pays. La situation s’étant calmée (mais pour combien de temps encore ?) nous avons décidé de partir pour un road trip de deux jours avec les enfants. Nous sommes allés en Haute Galilée puis dans le Golan pour ensuite redescendre le pays jusqu’à Tel-Aviv en longeant la Vallée du Jourdain et la Cisjordanie. Pour chacun de nos projets, j’aime inviter un artisan à concevoir un papier sur-mesure pour les tirages en noir et blanc. En Israël, j’ai rencontré un fabricant de papier exceptionnel : Izhar Neumann. Après de longues discussions et plusieurs essais réalisés au fil du projet, nous nous sommes rendus en famille dans le village druze de Yanuh-Jat pour fabriquer ensemble le papier final. Celui-ci est composé de fibres de mûriers plantés près de la frontière libanaise et d’un sable très particulier issu du désert du Néguev. Les enfants ont adoré décortiquer les branches pour en extraire les fibres et participer à toutes les étapes de création du papier. En chemin, nous en avons également profité pour rendre visite à Tamar, que j’avais photographiée au début du projet à Klil. ![]() Izhar Neumann montre aux enfants, dans son atelier, comment fabriquer le papier du projet. Depuis notre arrivée, Olivia souhaitait découvrir la ville de Safed et son histoire millénaire. Safed est, avec Jérusalem, Hébron et Tibériade, l’une des quatre villes saintes du judaïsme. Pour y parvenir, nous avons longé la frontière libanaise avant de descendre vers la ville. Centre mondial de la Kabbale, Safed, qui fut une ville mixte avant 1948, a été le théâtre de violents combats pendant la guerre, se soldant par l’expulsion de sa population arabe. Elle fut ensuite repeuplée par de nombreux survivants de la Shoah ainsi que par des Juifs expulsés des pays arabes. Nous avons parcouru la vieille ville en début de soirée, entre ateliers d’artistes, yeshivas et synagogues.Nous avons ensuite pris la route pour Rameh, où nous avons dîné et passé la nuit. Ville antique devenue arabe à l’époque islamique médiévale, Rameh fut en partie épargnée lors de la guerre de 1948 et conserva une partie de sa population. Aujourd’hui, elle abrite des communautés musulmanes, chrétiennes et druzes. Réputée pour sa cuisine arabe traditionnelle et son huile d’olive, nous avons diné dans un excellent restaurant où se tenait la fête du baptême d’un jeune chrétien. Nous avons ensuite dormi dans une chambre d’hôte au milieu des oliviers. ![]() Coucher de soleil sur Safed, ville aujourd’hui très religieuse et berceau de la Kabbale. Le lendemain matin, nous avons observé les oiseaux dans la réserve de Hula, située entre la Haute Galilée et les hauteurs du Golan. Puis, nous avons traversé le Golan pour rejoindre Rujm el-Hiri, un impressionnant monument mégalithique composé de 42 000 pierres de basalte formant cinq cercles concentriques, datant de l’âge du Bronze. Cette traversée du Golan nous a marqués : les champs de mines omniprésents, les panneaux « Danger Mines » tous les dix mètres, et les carcasses de chars transformés en mémoriaux rappellent à chaque instant les cicatrices de la guerre des Six Jours. Mieux vaut ne pas s’écarter de la route. Enfin, nous avons visité les spectaculaires ruines de Beit She’an, ancienne cité cananéenne puis égyptienne, l’un des plus anciens sites archéologiques d’Israël. ![]() L’un des innombrables panneaux “Danger Mines” qui parsèment le plateau du Golan, ancien champ de bataille entre Israël et la Syrie lors des guerres de 1967 (Guerre des Six Jours) et 1973 (Guerre du Kippour). ![]() La cité antique de Beit She’an, célèbre pour ses remarquables vestiges romains et byzantins. Pour clore ce périple, nous avons gagné les hauteurs de la réserve de Hagilbo’a, à la frontière de la Cisjordanie, pour admirer le coucher du soleil sur Jénine et écouter l’appel à la prière résonner dans la vallée. ![]() Coucher de soleil sur Jénine et les villages alentour, sous l’écho de l’appel du muezzin, depuis les hauteurs de la réserve naturelle de HaGilboa. Duduka, l’enfant d’Auschwitz L’un de nos derniers rendez-vous a été avec Yudith, une survivante de la Shoah, et plus précisément du camp d’Auschwitz-Birkenau. Âgée de 92 ans, nous sommes allés la rencontrer à Haïfa, avec Guila et Olivia.Yudith, surnommée Duduka par ses proches, a été déportée en mai 1944, sous le numéro d’immatriculation 13 556, à l’âge de 12 ans. Cette déportation s’est faite sous la supervision du gouvernement hongrois et d’Adolf Eichmann. En seulement huit semaines, 437 000 Juifs hongrois ont été envoyés vers les camps. La grande majorité a été dirigée directement vers les chambres à gaz à leur arrivée. Ce fut le sort de sa petite sœur et de sa grand-mère, mais aussi de nombreux élèves de sa classe. Aujourd’hui encore, Duduka ne comprend pas pourquoi elle a survécu; ni au camp, ni à l’atroce marche de la mort vers Theresienstadt. Une marche de 650 km dans le froid glacial, sans nourriture, ni soins, organisée en pleine débâcle par les nazis pour cacher les preuves de leurs crimes et empêcher la libération des prisonniers par l’Armée rouge. ![]() Duduka à 12 ans, peu avant sa déportation à Auschwitz. Ce qui nous a bouleversé, au-delà de sa mémoire sidérante (elle se souvenait de tous les noms de ses amis assassinés à Auschwitz, et récitait encore par cœur des poèmes entiers de Verlaine et Rimbaud qu’elle se murmurait là-bas pour ne pas sombrer dans la folie) c’est ce moment où elle m’a regardé droit dans les yeux et a dit : « Je l’ai vu de près, Il était beau, avec des yeux bleus, toujours impeccable, soigné. On aurait pu croire qu’il était bienveillant avec les enfants. Mais je me souviens parfaitement de qui il était vraiment ». Avant de s’interrompre, comme brusquement ramenée à l’horreur, et de préciser qu’elle parlait du docteur Josef Mengele, celui-là même qui l’a auscultée 5 fois et qui a mené des expériences monstrueuses sur ses camarades ainsi que sur ses cousines, des jumelles. ![]() La tante de Duduka avec ses filles, deux sœurs jumelles assassinées par Mengele à Auschwitz. Entre deux récits, Yudith répétait inlassablement: « Je ne peux pas pardonner. Jamais. Je ne peux pas pardonner à l’humanité, parce que Auschwitz a existé. Je ne peux pas pardonner. Jamais. » Duduka est arrivée en Israël en 1950 avec sa mère, qu’elle croyait morte et qu’elle a retrouvée après sa libération par les Russes. Elles n’avaient plus rien. Elle se sent aujourd’hui comme une pionnière dans la construction de cet État, qui représentait pour elle une promesse de protection et de renouveau.Ses souvenirs la hante et sa plus grande crainte aujourd’hui, c’est l’oubli : l’oubli de ce qu’il s’est passé, mais aussi l’effacement silencieux de la mémoire de ses sœurs, de ses cousines, de ses amis, de tous ceux qui ont été exterminés à Auschwitz comme s’ils n’avaient jamais existé. ![]() ![]() Avec Olivia et Duduka juste après notre entretien. Sa rencontre et son histoire nous ont tous énormément émus. Iftar chez les Bédouins Du 28 février au 30 mars, nous avons vécu la période du Ramadan en Israël. Considéré comme le mois de la lumière, de la miséricorde et du pardon, le Ramadan transforme l’atmosphère des villes arabes. Pour refléter symboliquement cette lumière, des décorations lumineuses sont installées dans les rues, notamment à Jaffa, où nous habitons. Les enfants ont été ravis de retrouver leur quartier illuminé la nuit, dans une ambiance à la fois festive et familiale, qui prolongeait pour eux la magie de Noël et de Hanoukka.Habitant à proximité d’une mosquée, j’ai été surpris d’entendre un double appel du muezzin chaque matin vers 4h, une nouveauté pour nous. J’ai appris que le premier appel, le Suhoor, retentit 20 à 30 minutes avant l’aube pour réveiller les fidèles et leur permettre de prendre leur dernier repas avant le jeûne. Le second, appelé Fajr, marque quant à lui le début officiel du jeûne et correspond à la prière de l’aube. Je dois avouer que, les nuits où les sirènes retentissaient à 3h30 ou 4h du matin en raison des missiles yéménites, avec les appels à la prière qui suivaient, nous nous rendormions rarement! ![]() Thao sous la décoration du Ramadan, installée devant l’horloge de la vieille ville de Jaffa. / L’horloge et la décoration éclairées la nuit. À l’occasion du Ramadan, Alaa, une jeune Bédouine avec qui j’ai réalisé une mise en scène (je vous en parlais dans la newsletter 3) m’a invité à partager l’iftar, la rupture du jeûne, sous une tente qu’ils avaient dressée dans un champ sur les hauteurs de leur ville, Umm-Batin. Ils m’ont accueilli avec chaleur, m’ont expliqué leurs traditions et fait participer à la préparation du repas. Nous avons passé une grande partie de la nuit à discuter à bâtons rompus : religion, cultures, idées reçues sur nos pays respectifs, points communs, espérances pour l’avenir… Au fil du repas et de la soirée, plusieurs membres de sa famille sont venus se joindre à nous autour du feu, me posant des dizaines de questions sur la France, curieux et chaleureux. ![]() Photo avec Alaa entourée de sa sœur, de son cousin et de deux cousines, juste avant de célébrer l’iftar. En arrière-plan, le village de Umm-Batin. ![]() ![]() La famille d’Alaa nous a rejoint tout au long de la nuit pour discuter et partager. Ce fut une soirée passionnante, pleine d’échanges et de convivialité. Cette nuit de partage, d’écoute et de découvertes n’a été interrompue que par un missile yéménite intercepté juste au-dessus de nos têtes. Le fracas de l’explosion fut glaçant, d’autant plus que nous n’avions absolument nulle part où nous abriter des éventuels débris. Mais après cet instant de stress, tout le monde a repris la conversation, comme si de rien n’était. ![]() La tente montée spécialement par Amir, avec en arrière-plan les lumières de Beer-Sheva. Un tour d’Israël pour récupérer les appareils photo Chaque fois que je réalise une mise en scène, j’offre à la personne photographiée un appareil photo jetable accompagné d’un carnet de notes. Ce geste leur permet de prolonger la réflexion amorcée ensemble, de s’approprier l’acte photographique comme une forme de catharsis, et d’entrer en dialogue avec la mise en scène que nous avons construite côte à côte. J’en ai disséminé une cinquantaine aux quatre coins du pays. Je savais bien que je ne les récupérerais pas tous : le processus est exigeant, long, parfois lourd à porter pour celles et ceux qui y participent. Mais avant mon départ, j’ai pris contact avec toutes les personnes rencontrées au cours des huit derniers mois, avec l’envie de les revoir, de les écouter, et, qui sait, de découvrir si elles avaient « fait leurs devoirs ».J’ai commencé par le nord, du côté de Haïfa, où j’ai retrouvé Ziv, puis Vadim. Ensuite, j’ai revu Ligal dans le kibboutz d’Ilania. J’ai pu passer un moment avec Zuher dans son village circassien de Kfar Kama, et retrouver Zakie à Shibli, village arabe niché au pied du Mont Tabor. À d’autres moments, j’ai recroisé Nasser et bu un café sous sa tente, installée sur les ruines de sa maison démolie de force par le gouvernement Netanyahu. J’ai également récupéré l’appareil photo de Salman. J’ai eu la chance de récupérer également les images et les carnets de Steeve et de Tamar. En revanche, plusieurs personnes n’avaient pas encore terminé : Hadas, Gisèle ou encore Alaa avaient besoin de plus de temps. Pour les autres, nous nous sommes organisés afin qu’ils puissent m’envoyer les appareils et carnets chez Guila ou David. Mais certains sont restés hésitants, ou n’ont finalement pas souhaité poursuivre l’expérience . ![]() Adieux à Ziv, juste avant mon départ. ![]() Ligal me prépare un café dans sa caravane, désormais stationnée dans le kibboutz de Ilania. Areen : un miroir de la complexité d’une terre Ces dernières semaines, j’ai enfin pu rencontrer Areen. Cela faisait des mois que nous essayions de nous voir, mais le hasard et la malchance avaient sans cesse repoussé notre rencontre. Ce fut un moment fort.Areen a une histoire singulière, à l’image de la complexité de cette terre. Son père et sa mère sont nés en dans la ville arabe d’Abu Snan en Israël. Leurs parents respectifs, les grands-parents d’Areen, étaient originaires de Palestine, du village de al-Kuwaykat, détruit lors de la Nakba et vidé de ses habitants. Mais ils ont choisi de rester malgré la guerre et la peur, cachés dans un village druze voisin. Une décision que le reste de leurs familles n’a pas prise : du côté paternel, les proches ont fui vers le Liban, et du côté maternel, à Gaza. Areen porte donc en elle une lignée éclatée entre le Liban, Gaza et Israël, ce qui, en ces temps de guerre, est une source de douleur profonde. Elle a perdu une dizaine de proches à Gaza, et d’autres, vivant au sud Liban, ont été traumatisés par les derniers bombardements.Areen n’est pas religieuse, elle se définit même comme très laïque, tout comme sa famille. Une de ses sœurs est mariée à un juif, une autre à un chrétien. Ses parents l’ont élevée en dehors de tout cadre religieux. Chaque année, la famille se rassemble pour commémorer la Nakba (« catastrophe » en arabe, elle désigne l’exode forcé de plus de 700 000 Palestiniens en 1948, lors de la création de l’État d’Israël. Elle marque un traumatisme majeur dans la mémoire collective palestinienne) en se recueillant sur les ruines de villages arabes détruits à cette époque. Elle porte en elle, avec force, ses racines palestiniennes, mais a conscience d’être également israélienne. Pour elle, c’est dans ce pays, aujourd’hui nommé Israël, qu’elle vit, qu’elle construit sa vie, a eu des enfants et qu’elle espère un avenir partagé entre toutes les populations. Elle ne souhaite pas revenir en arrière, mais avancer, ensemble. ![]() Des Palestiniens sur les routes de l’exil, après leur expulsion de leur village près de Haïfa en 1948. Pendant plusieurs heures, Areen m’a raconté ce déchirement intime : son âme palestinienne, sa réalité israélienne. Elle m’a confié son incompréhension face à certaines déclarations occidentales, notamment le slogan « From the river to the sea », qu’elle trouve vide de sens, violent, et totalement déconnecté de la réalité vécue ici. Pour elle, ces mots trop violents, prononcés par des personnes n’ayant jamais mis les pieds en Israël ou en Palestine, sont contre-productifs et, surtout, mettent en danger les millions d’Arabes israéliens qui vivent ici, tout en sabotant le dialogue et en alimentant les extrêmes des deux côtés.Elle m’a aussi parlé de son enfance passée à Gaza, de ce qu’elle appelait autrefois, avec ses yeux d’enfant, « mon petit paradis », et de l’impossibilité d’y retourner depuis l’arrivée au pouvoir du Hamas qu’elle estime avoir détruit Gaza. Ce constat ne l’empêche pas de tenir également Israël pour responsable des tensions et des souffrances vécues par les populations de la région. Mais elle préfère penser au futur plutôt que d’être tournée vers le passé. Ce passé qui a coûté la vie à des milliers d’innocents le 7 octobre et qui continue de semer la mort à Gaza depuis plus d’un an et demi. ![]() Areen et sa famille dans le village de Lajjun détruit en 1948, le jour de la commémoration de la Nakba. Le 7 octobre a marqué un tournant dans sa pensée. Avant cette date, elle se sentait animée d’un profond sentiment de révolte. Elle avait l’impression que ses racines étaient constamment piétinées, en particulier depuis l’accession au pouvoir de Netanyahu, il y a plus de vingt ans. Mais le massacre perpétré par le Hamas ce jour-là, au nom de la Palestine, a ravivé en elle sa part israélienne. Elle a pris conscience de la façon dont l’histoire palestinienne est instrumentalisée par les fondamentalistes, au mépris des vies humaines, empêchant toute perspective de paix.Areen incarne à elle seule tout le paradoxe, toute la douleur, mais aussi toute la lucidité de cette terre brisée et infiniment complexe et multiculturelle. Ido, une rencontre manquée et un retour avancé En avril, grâce à Guila, j’avais pu organiser un rendez-vous avec Ido, un jeune homme d’une trentaine d’années dont l’histoire m’a profondément bouleversé. Il a tragiquement perdu sa compagne, Céline, franco-israélienne, lors de l’attaque du 7 octobre. Ils venaient tout juste d’avoir une petite fille, Ellie. Pour marquer la fin de son congé maternité, Céline avait décidé d’assister au festival Nova. Ce jour-là, elle a été assassinée par des membres du Hamas déguisés en soldats de Tsahal. Pendant plusieurs jours, Ido a cru à sa survie, s’accrochant à l’espoir. ![]() Ido Nagar, juste après le 7 octobre, lançant un appel à témoins pour retrouver sa femme Céline, avant d’apprendre son décès, assassinée par des membres du Hamas. Photo @ Philippe Laurenson La veille de notre rencontre, Olivia a dû être hospitalisée en urgence pendant 18 heures. Cet imprévu m’a empêché de rencontrer Ido. En Israël, un rendez-vous manqué est souvent difficile à rattraper. Nous n’avons pas pu reprogrammer cette rencontre. Après l’hospitalisation et une semaine alitée pour Olivia, nous avons pris la décision d’avancer notre retour en France. Heureusement, Olivia va beaucoup mieux aujourd’hui. Guila est toujours en relation avec Ido, j’espère pouvoir le rencontrer lors de ma prochaine visite en juillet. ![]() Thao dit au revoir à ses meilleurs amis après son dernier jour d’école. ![]() Dernière photo avec Guila, la veille de notre départ, un souvenir précieux avant la séparation. Conclusion Nous voilà donc de retour en France depuis quelques jours, le cœur lourd de laisser derrière nous tant de personnes que nous avons appris à aimer. Cette aventure humaine, personnelle et artistique de huit mois a filé comme un éclair, et pourtant, elle nous donne le sentiment d’avoir vécu deux années entières tant les journées étaient denses, imprévisibles, remplies d’émotions, de contradictions et d’intensité.Il est désormais temps de plonger dans le développement des photographies, les tirages, l’écriture des textes, et de prendre le recul nécessaire pour présenter ce projet avec justesse, lucidité, et une conscience renouvelée de la complexité de cette terre et de ses habitants. |
Nouvelle aventure en Israel / Newsletter 6
Publié le 7 avril 2025 | pas de réaction
Nouvelle aventure en IsraëlNewsletter 6Pour le dernier volet de notre trilogie Cuba/Japon/Israël, que nous réalisons en ce moment en Israël, je vais vous envoyer chaque mois une newsletter vous décrivant nos pérégrinations. Voici la sixème qui paraitra également dans le magazine 9Lives.Liens vers la première, la deuxième, la troisième, la quatrième et la cinquième |
Shalom, shalom Alors que j’écris ces lignes, voilà déjà sept mois que nous sommes en Israël. Le temps a filé à une vitesse vertigineuse. Est-ce l’effet de la guerre, de la tension omniprésente, de cette urgence qui a rythmé notre quotidien ? Ou peut-être la richesse des rencontres, si nombreuses et si variées, qui ont marqué notre séjour ?Le projet touche bientôt à sa fin, et l’idée du départ qui se profile nous attriste profondément.Cette newsletter revient sur la période intense que nous avons traversée entre début février et mi-mars. |
Baalei Techouva : retour à la réponse Dans la deuxième newsletter, je vous avais parlé des “déserteurs de Dieu”, ces ultra-orthodoxes qui ont fait le choix de rompre avec leur milieu et de “retourner à la question”, comme on dit ici. J’avais notamment évoqué l’histoire de l’un d’eux, que j’ai mis en scène dans le mikvé de Lifta.À l’opposé de ce phénomène, il existe celui des “baalei techouva”, littéralement “ceux qui reviennent” : des juifs laïcs qui, après un parcours en dehors de la religion, décident de s’y consacrer corps et âme, souvent au sein des communautés ultra-orthodoxes.J’ai eu l’opportunité de passer du temps avec Barak, un ancien musicien et rockeur, qui a fait le choix radical de devenir Loubavitch. Son histoire est fascinante. Il m’a confié les raisons profondes de sa décision et raconté son immersion dans la communauté Loubavitch, un mouvement hassidique extrêmement structuré, centré autour de la figure du Rabbi Menachem Mendel Schneerson, que certains considèrent comme le Messie. J’ai ainsi découvert un univers totalement inconnu pour moi, à la fois étrange et captivant. Il est difficile d’obtenir des chiffres précis sur ceux qui retournent à la religion, car le monde ultra-orthodoxe demeure très fermé. C’est donc une chance d’avoir pu rencontrer Barak, recueillir son témoignage et, surtout, qu’il ait accepté d’être photographié pour mon projet. |
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Barak en prière au sein de la communauté Beit Habad à Tel-Aviv. |
Pour approfondir ma connaissance du monde religieux juif, j’ai rencontré le rabbin Rav Moshe Tapiero, un érudit qui m’a éclairé sur l’étude de la Torah, du Talmud et la diversité des courants religieux du judaïsme, au cours d’une journée passée chez lui à Jérusalem. |
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Le bureau du rabbin Rav Tapiero, où il consacre ses journées à l’étude des livres sacrés et à l’écriture de ses commentaires sur la Torah. |
À la découverte d’Ovnat et de Yiftach : une réalité insoupçonnée du sionisme religieux Le milieu des colons ultra-sionistes religieux m’a toujours profondément dérangé, mais, mes recherches et mes échanges avec Guila m’ont conduit à découvrir une réalité insoupçonnée au sein de ce mouvement : l’association Yiftach, et plus précisément le village d’Ovnat.Yiftach prend en charge de jeunes juifs violents issus des colonies de Cisjordanie pour comprendre l’origine de leur violence, les écouter et les remettre sur le droit chemin. Elle accompagne aussi des jeunes victimes d’abus sexuels ou de violences familiales, des réalités largement passées sous silence dans le monde des colons sionistes. Face à cette omerta, Ariel Sokoloff, le fondateur d’Ovnat, a pris l’initiative, à la fin des années 1990, d’offrir à ces jeunes une alternative, une chance de se reconstruire et de vivre autrement qu’à travers la violence et la haine. J’ai passé la matinée à Ovnat, ce village posé dans un décor désertique, au bord de la mer Morte, loin de l’agitation des grandes villes. J’ai ensuite rencontré Ariel Sokoloff, qui dirige aujourd’hui ce programme éducatif accueillant environ 250 élèves dans une dizaine de villages. |
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Le centre éducatif d’Ovnat, situé au bord de la Mer Morte. |
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Une des habitations pour les pensionnaires d’Ovnat. |
En rentrant du village, près de Jéricho, en Cisjordanie, je me suis arrêté dans une ancienne usine anglaise d’extraction de potassium, aujourd’hui sous contrôle palestinien, non loin de la frontière jordanienne. Là-bas, je suis tombé sur un site emblématique pour les passionnés de photographie, immortalisé il y a une dizaine d’années par Josef Koudelka dans son projet Shooting Holy Land. Cet ancien camp militaire britannique abandonné semble figé dans le temps. C’est aussi là que les militaires m’ont, une fois de plus, arrêté… Pour la cinquième fois depuis mon arrivée! |
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Guila en discussion avec l’armée pour leur démontrer que nous ne sommes pas ici pour prendre des photographies de la frontière et les transmettre à l’ennemi. Un lieu qui a été photographié par Josef Koudelka il y a une dizaine d’années. |
Un mois de février marqué par l’indignation et la douleur en Israël Le mois de février a ravivé les traumatismes profonds d’Israël, alors que la plaie béante du 7 octobre semble impossible à refermer. Les mises en scène macabres orchestrées par le Hamas lors des retours d’otages, l’état catastrophique de ces derniers, ainsi que la restitution de nombreux corps, ont plongé le pays dans une sidération totale. L’onde de choc a été telle qu’Israël s’est retrouvé paralysé par l’indignation et le chagrin pendant plusieurs jours.Le 8 février, Or Levy, Eli Sharabi et Ohad Ben-Ami sont apparus extrêmement affaiblis et amaigris après 16 mois de captivité à Gaza. Leur état de santé a bouleversé l’opinion publique et levé le voile sur les conditions inhumaines de détention des otages israéliens. Eli Sharabi, comme tant d’autres, a vécu une cruauté insoutenable : lors de la mise en scène de sa libération, les terroristes lui ont fait croire qu’il allait bientôt retrouver sa femme et son fils. Ce n’est qu’une fois en Israël qu’il a appris la terrible vérité : tous deux avaient été assassinés par le Hamas le 7 octobre, juste après leur séparation. |
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Les otages Or Levy, Eli Sharabi et Ohad Ben-Ami sont mis en scène par le Hamas lors de leur libération. Photo AFP/BASHAR TALEB |
L’horreur a atteint son paroxysme avec la tragédie de la famille Bibas, devenue le symbole du drame du 7 octobre. Kfir Bibas, âgé de 10 mois, était le plus jeune otage au monde, et son frère Ariel, 4 ans, figurait parmi les plus jeunes victimes de l’attaque. Enlevés dans les bras de leur mère terrorisée, Shiri Bibas, leur sort est resté incertain pendant des mois, provoquant une angoisse collective. Leur père, Yarden Bibas, également otage puis libéré avant la restitution des corps de sa famille, a vécu une attente insoutenable. La confirmation de leur mort, après des mois d’incertitude, a suscité une grande émotion en Israël, d’autant plus que les enfants ont été battus à mort et asphyxiés. Une confusion macabre est survenue lorsque le Hamas a remis le corps d’une femme gazaouie en prétendant qu’il s’agissait de Shiri Bibas, avant de corriger l’erreur le lendemain. Cette tragédie a bouleversé le pays. |
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Un mémorial improvisé en hommage aux victimes du Hamas – Shiri Bibas, Ariel Bibas, Kfir Bibas et Oded Lifshitz, l’un des fondateurs du kibboutz Nir Oz – sur la place des otages à Tel-Aviv. |
Une immense marche funéraire, parcourant des dizaines de kilomètres, a rassemblé un peuple unis aux côtés de Yarden Bibas pour accompagner le dernier voyage de Kfir, Ariel et Shiri, réunis dans un même cercueil. Le discours poignant de Yarden Bibas a résonné comme un cri de douleur collective, marquant profondément la population. |
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Les Israéliens se sont rassemblés autour de Yarden Bibas lors de la marche funéraire qui a accompagné Kfir, Ariel et Shiri Bibas, réunis dans le même cercueil, de Rishon Lezion jusqu’au cimetière de Zohar, près de Nir Oz. |
Dans ce climat de deuil, un Bédouin, Hicham al-Sayed et un Falasha éthiopien, Avera Mengistu, détenus en otages depuis dix ans, ont été libérés. Leur état de santé, marqué par une décennie de captivité, a plongé les Israéliens dans la stupeur, face à une réalité aussi cruelle que brutale. |
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Hicham al-Sayed et Avera Mengistu retrouvent leurs familles après dix années de captivité à Gaza. |
Une vague d’attentats évitée de justesse Ce mois-ci, plusieurs attentats ont frappé le pays, dont une série d’explosions visant cinq bus dans la banlieue sud de Tel-Aviv, non loin de chez nous. Par chance, les terroristes ont confondu « 9 am » et « 9 pm », déclenchant les bombes le soir, alors que les bus étaient hors service et stationnés dans un parking vide. Si l’attentat avait eu lieu à 9h du matin, comme prévu, les pertes humaines auraient été catastrophiques. D’autres attaques ont endeuillé le pays, notamment un attentat à la voiture bélier dans une ville au nord de Tel-Aviv et une attaque au couteau à Haïfa, faisant de nouvelles victimes et alimentant un climat de tension grandissant. Une tension qui résonne avec la colonisation ultra sioniste à marche forcée en Cisjordanie, menée par le gouvernement depuis le cessez-le-feu. Cette politique suscite la stupéfaction et l’indignation des familles des otages et de nombreux israéliens, inquiets face à cette violence croissante qui ne fait qu’apporter malheur et souffrance chez les Israéliens et les Palestiniens. |
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Carcasses des bus calcinés après l’explosion de bombes sur un parking à Bat Yam. |
Avec les Arabes chrétiens En sept mois, je n’avais pas encore eu l’occasion de donner la parole aux Arabes chrétiens, mais c’est désormais chose faite. À Jérusalem, j’ai rencontré Stelios, ainsi que Raeed et sa femme, qui vivent dans la vieille ville, dans des appartements qu’ils ont acquis pour une durée limitée auprès de divers diocèses. Une pratique surprenante qui a immédiatement éveillé ma curiosité. C’est un peu long à expliquer mais cela a un impact très important sur la vie des Chrétiens à Jérusalem. On estime à 140 000 le nombre d’Arabes chrétiens en Israël, contre 48 000 en Cisjordanie et 2 000 à Gaza. Leur présence en Palestine s’est en effet considérablement réduite au fil des années, sous l’effet du conflit et de la pression sociale exercée par certaines communautés musulmanes. Beaucoup ont été contraints à une conversion forcée, d’autres ont subi des persécutions, les poussant à l’exil, notamment vers Israël ou l’Occident.Ces rencontres ont été d’une grande richesse. Ils se sont livrés avec sincérité, partageant des récits marqués par des épreuves, mais aussi par des victoires. Leurs témoignages m’ont offert un éclairage nouveau sur leur place dans la société israélienne et palestinienne, ainsi que sur les défis qu’ils ont dû affronter et ceux qu’ils continuent de relever au quotidien. |
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Raeed et sa femme dans leur appartment situé dans la vieille ville de Jérusalem. |
Avec les Druzes et les Ahmadies Dans la quatrième newsletter, je vous parlais des Druzes du plateau du Golan, d’origine syrienne. En Israël, sur les 150 000 Druzes, seuls 20 000 vivent dans le Golan, les autres sont principalement établis dans le nord du pays, notamment autour de Haïfa. C’est dans le village d’Isfiya, près de Haïfa, que j’ai rencontré Salman et sa femme, Samira. Cette rencontre fascinante m’a permis de mieux comprendre l’histoire de cette communauté qui, au XIe siècle, a opéré un schisme avec l’islam en raison de son rejet de la charia. Contrairement aux musulmans, les Druzes ne pratiquent ni la prière quotidienne ni le port du hijab. Ils ne se considèrent pas comme des conquérants et ont développé une identité profondément ancrée dans la loyauté à l’État où ils résident. |
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Salman et sa femme, Samira, feuilletant mon livre Desmemoria. / Petit-déjeuner druze préparé par Samira Un délice! |
Un des éléments marquants de cette communauté en Israël est son engagement dans l’armée. Contrairement à la plupart des Arabes israéliens, les Druzes sont tenus de servir dans les forces armées. Leur rôle dans la défense du pays et leur intégration dans la société israélienne sont des aspects essentiels de leur identité. Pourtant, tout comme de nombreux Arabes israéliens, Bédouins et Circassiens que j’ai rencontrés, les Druzes ont été profondément choqués par la loi de “l’État-nation du peuple juif”, adoptée en 2018 qui place la communauté juive au-dessus des autres. Ils se sont sentis trahis et luttent pour son abrogation, aux côtés de nombreux Israéliens qui estiment que cette loi est incompatible avec leur vision de la démocratie et du pays qui a beaucoup changé sous les gouvernements successifs de Netanyahou. |
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Immense fresque à l’entrée de Daliat Al Carmel représentant la loyauté Druze envers Israël. Le lion est un symbole très important chez les Druzes, il représente la force, le courage, l’honneur et la loyauté. |
J’ai également eu l’occasion de rencontrer des Ahmadis, un groupe issu d’un schisme avec l’islam à la fin du XIXe siècle. Leur mouvement prône une interprétation pacifique de l’islam, centrée sur le service à l’humanité et la réconciliation entre les religions. Toutefois, ils sont considérés comme des non-musulmans par les communautés islamiques traditionnelles, car ils croient que le Messie est déjà venu en la personne de Mirza Ghulam Ahmad, bien qu’ils continuent à prier selon les rites islamiques. Cette croyance leur a valu de lourdes persécutions, notamment au Pakistan. Malgré cela, ils diffusent une très belle parole de paix et d’entente inter-religieuse. J’ai eu l’honneur de rencontrer leur grand émir, Muhamad Sherif, ainsi qu’un des Imams de la mosquée Shaykh Mahmud de Haïfa et de passer une après-midi là-bas. En Israël, on trouve de nombreuses autres communautés comme les Bahaïs, qui résident principalement autour de Haïfa et Saint-Jean-d’Acre. Leur présence, comme celle des Ahmadis et des Druzes, rappelle la diversité et la richesse religieuse du pays. |
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Photo souvenir prise avec l’Emir Muhamad Sherif dans son bureau, avec en arrière plan les portraits de Mirza Ghulam Ahmad et de ses successeurs. |
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La salle de prière de la mosquée ahmadie Shaykh Mahmud à Haïfa. |
Tensions croissantes et reprise des combats Depuis la fin de la première phase, les négociations stagnent et les manifestations se multiplient.A Jérusalem, plus de 100 000 personnes se sont rassemblées devant la Knesset pour protester contre les bombardements à Gaza, exiger la libération de tous les otages et dénoncer la politique de Netanyahu, jugée anti-démocratique. De nombreuses manifestations ont également lieu à Tel-Aviv. La colère a redoublé après le limogeage du chef du Shin Bet, Ronen Bar, alors que la population réclame des comptes sur les failles sécuritaires du 7 octobre et la responsabilité des dirigeants. Ce vote de révocation, prévu dans quelques jours, alimente les tensions, tandis que les protestations contre la réforme de la justice continuent d’exacerber un climat déjà pesant. |
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Plus de 100 000 personnes se sont rassemblées devant la Knesset à Jérusalem pour manifester contre les bombardements à Gaza, exiger le retour de tous les otages et dénoncer la politique de Netanyahu, jugée anti-démocratique. |
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Les manifestations contre le gouvernement sont presque quotidiennes. Ici, une mobilisation à Tel-Aviv ayant réuni près de 100 000 personnes. |
Parallèlement, la menace extérieure ne cesse de grandir. Ces dernières semaines, la tension est montée d’un cran avec le Hamas, le Hezbollah, la Cisjordanie, la Syrie, le Yémen, l’Iran et même l’Égypte. Malgré leur résilience, de plus en plus d’Israéliens se sentent à bout, pris dans une spirale d’incertitude et de violence.Au moment où j’écris ces lignes, les nouvelles sont sombres. Le cessez-le-feu a pris fin et les combats ont repris à Gaza, brisant la fragile trêve qui portait l’espoir de libération des derniers otages et de reconstruction pour les Gazaouis avec le retour de l’aide humanitaire. Les frappes et les affrontements s’intensifient, plongeant la région dans une nouvelle escalade de violence qui éloigne toujours plus la perspective de paix.À Tel-Aviv, les alarmes nocturnes à 4 h du matin, déclenchées par les tirs de missiles des Houthis, ont repris. Nous nous précipitons de nouveau en pleine nuit vers notre abri avec les enfants alors que nous espérons ne plus avoir à revivre cela. Les tirs de roquettes depuis Gaza ont repris également. |
Conclusion Les semaines qui se sont écoulées depuis la dernière newsletter ont encore été d’une intensité folle, rythmées par des découvertes et des rencontres marquantes. À présent, le voyage touche à sa fin, et déjà, nous ressentons le vide laissé par cette vie vibrante, faite d’émotions, de contrastes et de moments suspendus.La prochaine newsletter sera la dernière. Elle reviendra sur nos ultimes rencontres, notre dernier voyage en famille, ainsi que sur le tour d’Israël que je vais entreprendre pour récupérer les appareils photo jetables et les carnets de notes laissés à chaque personne photographiée.Yalla, Yalla. |
In Situ à l’Institut français de Tel-Aviv
Publié le 7 avril 2025 | pas de réaction
A l’occasion du mois de la francophonie en Israël, je suis heureux d’avoir été invité à présenter des photographies des séries Confidences et Analogia de mon projet In Situ – Dans les coulisses de l’Opéra de Paris à l’Institut français de Tel-Aviv du 6 mars au 10 avril 2025.
Nouvelle aventure en Israel / Newsletter 5
Publié le 7 avril 2025 | pas de réaction
Nouvelle aventure en IsraëlNewsletter 5Pour le dernier volet de notre trilogie Cuba/Japon/Israël, que nous réalisons en ce moment en Israël, je vais vous envoyer chaque mois une newsletter vous décrivant nos pérégrinations. Voici la cinquième qui est également parue dans le magazine 9Lives.Liens vers la première, la deuxième, la troisième et la quatrième. |
Shalom, shalom Cette nouvelle newsletter revient sur la période que nous avons vécue entre janvier et février, marquée par l’accord de cessez-le-feu avec le Hamas et le retour des otages. Un moment historique qui, je l’espère, mènera à la paix, bien que cela reste incertain dans une région du monde sous extrême tension. |
Oryan, un Refuznik sorti de prison Dans ma dernière newsletter, je vous ai brièvement parlé de ma rencontre avec Ella, une jeune Refuznik. Aujourd’hui, je vais approfondir ce sujet et revenir sur ce mouvement né en 1979. Les Refuzniks sont de jeunes appelés au service militaire qui refusent de s’engager. Souvent, leur choix les conduit en prison, les exposant ainsi à un possible rejet de la société israélienne. Ella n’a pas encore été incarcérée, mais Oryan, un jeune homme de 19 ans rencontré début janvier, sort tout juste de prison. Il a déjà purgé deux peines d’un mois de prison, soit 60 jours, et attend de savoir s’il devra y retourner. Certains Refuzniks y ont déjà fait plus de 185 jours (soit plus de 6 mois), à l’image d’Itamar Greenberg, le plus célèbre d’entre eux qui n’a toujours pas reçu d’exemption et vient de retourner en prison pour la cinquième fois. |
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Accompagné d’Oryan, un jeune Refuznik, pour lui présenter la mise en scène que j’ai conçue afin de raconter son histoire. Photo @ David Kashtan |
Oryan raconte :« En classe de première, dès que vous avez 16 ans et 6 mois, vous recevez une lettre vous convoquant pour la première étape du processus de conscription. Lors de cette convocation, on vous explique comment le processus fonctionne. Ainsi, même pendant le lycée, de nombreuses discussions tournent autour de ce que vous allez faire dans l’armée. Ensuite, vous passez par différentes sélections. Vous pouvez être dirigé vers les commandos, la marine, l’armée de l’air, etc. Puis, votre date d’incorporation arrive, et à ce moment-là, vous avez le choix : vous engager ou refuser. Si vous décidez de ne pas vous enrôler, vous devez vous rendre sur place avec vos affaires, trouver un interlocuteur et déclarer : “Je ne vais pas m’enrôler.” Ensuite, vous attendez. Une installation spécifique, intégrée à une plus grande structure, gère les conscrits. L’officier responsable de ce bâtiment doit alors formaliser la situation en rédigeant des documents officiels. Vous êtes ensuite conduit dans un centre de rétention, situé à l’intérieur de l’installation de recrutement.» Il m’a ensuite expliqué les raisons de son choix, son expérience en prison et le regard des autres. Il ressent un profond malaise vis-à-vis de l’armée, son pays et la guerre à Gaza, bien qu’il ne s’imagine vivre nulle part ailleurs dans le monde. Cet échange était passionnant et reflétait parfaitement le déchirement intérieur que vivent de nombreux Israéliens, partagés entre l’amour pour leur pays et le rejet de ce qu’il est en train de devenir. Il en veut énormément au gouvernement. |
Gush Katif Dans mon projet, je souhaitais également explorer la notion de déracinement à travers l’histoire des anciens habitants d’une colonie : Gush Katif. Ce bloc de colonies israéliennes, situé dans la bande de Gaza et principalement habité par des colons juifs religieux, a été évacué par l’armée en 2005 lors du plan de désengagement unilatéral d’Israël suite à la Seconde Intifada. Cette décision a provoqué de profondes tensions politiques et émotionnelles en Israël, ainsi qu’un sentiment d’abandon et de trahison chez les colons expulsés. Évacués fin 2005, après sept années passées dans ce que l’on appelle en Israël une caravan-villa (un préfabriqué), ils ont finalement construit une maison dans un moshav entre Ashdod et Beer-Sheva. C’est là que je les ai rencontrés. Cette discussion m’a permis de mieux appréhender le point de vue de colons pacifistes qui vivaient sur une terre non reconnue comme israélienne par le droit international. Ce couple a tissé des liens forts avec des Palestiniens tout en résidant sur les terres de Gaza. Cette dualité, entre l’attachement à cette terre qu’ils considèrent comme Eretz Israel, le fait d’avoir été expulsé par son propre pays et le sentiment de trahison qui en découle, la volonté de paix et le fait d’habiter dans une colonie, illustre toute la complexité d’Israël. |
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Vue aérienne du Gush Katif, un ancien bloc de colonies israéliennes à Gaza, évacué par l’armée en 2005. / Prise de vue en compagnie de Gisèle et son mari. |
Yad Vashem Pour les 80 ans de la Shoah, nous sommes allés au musée Yad Vashem à Jérusalem. Yad Vashem est le mémorial officiel d’Israël dédié aux victimes de l’Holocauste. Situé à Jérusalem, il commémore les six millions de Juifs exterminés et honore les Justes parmi les nations. L’ambiance y est profondément solennelle, douloureuse et empreinte de recueillement, marquée par le poids de la mémoire et le respect des vies perdues. Nous y sommes restés 4h30 et en sommes sortis bouleversés. |
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Yad Vashem, le mémorial officiel d’Israël en hommage aux victimes de l’Holocauste, situé à Jérusalem. |
Gaza et Nova Au cours du mois, juste avant le cessez-le-feu, j’ai également emmené Olivia à quelques centaines de mètres de Gaza pour qu’elle prenne la mesure de son état désastreux. Elle a aussi découvert l’atmosphère sonore qui y règne : un mélange de grondements sourds causés par les bombes, de détonations sèches provenant d’armes automatiques, de silences oppressants et également l’épais nuage de fumée grise qui stagne en permanence au-dessus de Gaza. |
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Vue de la bande de Gaza sous les bombardements, où les explosions et les tirs enveloppent les villes d’un immense nuage de fumée. |
Je l’ai également emmenée à Nova, sur le site du massacre, entouré d’immenses champs vides qui n’ont laissé aucune échappatoire à tous ces jeunes qui se sont retrouvés piégés. Tout au long de la route, les dizaines de miklat (abris anti-roquettes) où s’étaient abrités tant de victimes sont criblés de balles. Par endroits, les stigmates des centaines de véhicules calcinés sont encore visibles sur le bitume. En chemin, nous avons découvert une immense casse, devenue lieu de mémoire, où ont été déposés tous les véhicules criblés de balles ou incendiés lors du 7 octobre, ainsi que les motos et voitures utilisées par le Hamas. |
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Des voitures de victimes du massacre du 7 octobre criblées de balles. |
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Véhicules et motos employés par le Hamas lors de l’attaque en Israël le 7 octobre. |
Cessez-le-feu L’événement marquant de ce mois de janvier reste l’accord de cessez-le-feu signé entre Israël et le Hamas. Un immense soulagement s’est ressenti dans le pays, où l’on attendait depuis si longtemps le retour des otages. Cependant, ces libérations se font au compte-gouttes et au prix de la libération de centaines de terroristes parmi les prisonniers palestiniens relâchés. La tension a été exacerbée par les nombreuses alertes aux missiles yéménites entre le 1ᵉʳ et le 15 janvier, date du cessez-le-feu – avec même une dernière alerte le 18 au matin – et par deux attentats au couteau à Tel-Aviv, près de chez nous.L’ambiance reste très tendue : les noms des otages libérés sont annoncés au dernier moment par le Hamas. Ce cessez-le-feu a permis l’entrée massive de camions humanitaires à Gaza, livrant nourriture et soins aux habitants. Depuis peu, les habitants du nord peuvent également rentrer chez eux – si on peut le dire comme cela quand on voit l’état de destruction de la bande de Gaza – après une guerre de plus d’un an, dont le nombre important de victimes civiles reste à évaluer dans un contexte où la propagande est une arme omniprésente. Se pose désormais la question de la reconstruction d’un territoire profondément meurtri. Ce cessez-le-feu a également entraîné la démission du ministre extrémiste Ben Gvir – une bonne nouvelle pour beaucoup! – et remis en lumière les tensions en Cisjordanie, notamment dans la région de Jénine, où la vie oscille entre attentats et opérations militaires. La situation y est plus explosive que jamais. |
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Affiche appelant à la libération de l’otage Karina Ariev, sur laquelle a été ajoutée une bannière : ‘Il reste encore 90 otages’, suite à sa libération le 25 janvier 2025. |
A Nir-Oz avec Hadas Kalderon Au cours du mois de janvier, j’ai accompagné Hadas Kalderon dont les enfants ont été kidnappés par le Hamas et libérés au bout de 52 jours, le mari également kidnappé et libéré le 1er février et la mère et la nièce tués le 7 octobre. Je dois avouer que, de ma vie, je n’ai jamais rencontré une personne aussi forte, résiliente et combattante. Cela faisait 2 mois que je travaillais sur le sujet et que je souhaitais trouver un moyen de parler, à travers la réalisation d’une mise en scène, de ce massacre qui a, à jamais, changé Israël et Gaza. Hadas m’a proposé de l’accompagner, avec Guila, à Nir Oz, là où le drame a eu lieu. C’est un moment que j’espérai et redoutai à la fois. Lorsque Guila m’a dit qu’on partait pour Nir Oz, je n’ai pas dormi de la nuit, entre cauchemars et appréhension de ce que j’allais voir et du témoignage que j’allais entendre. Le 7 octobre 2023, le kibboutz de Nir Oz, situé près de la frontière avec Gaza, a subi une attaque dévastatrice par des militants du Hamas. Selon les informations disponibles, 46 résidents ont été tués lors de cette attaque. De plus, 71 habitants ont été enlevés et emmenés à Gaza. Parmi ces otages, certains ont été libérés lors de trêves ultérieures, tandis que d’autres sont malheureusement décédés en captivité. À ce jour, plusieurs résidents de Nir Oz restent portés disparus ou sont toujours détenus à Gaza. Un quart de la population du kibboutz a été tuée ou kidnappée. |
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L’allée menant au réfectoire du kibboutz, bordée des photos de tous les otages capturés par le Hamas. |
En arrivant sur place j’ai été saisi par l’odeur de brûlé, une grande partie des habitations a été entièrement détruite par les flammes. Hadas nous a emmené en premier dans les ruines de la maison de sa mère dont elle avait appris le décès plusieurs jours après l’attaque. Elle a été tuée avec sa petite-fille trisomique, la nièce de Hadas, qui avait à peine 12 ans. Leurs corps ont été trouvés près de la frontière de Gaza. |
![]() La maison de la mère de Hadas Kalderon, située dans le Kibbutz de Nir-Oz, entièrement détruite et incendiée après l’assassinat de Hadas et de sa petite-fille de 12 ans le 7 octobre.Ensuite, Hadas nous a conduit dans la maison de son ex-mari, Ofer Kalderon, là où il a été capturé avec deux de ses enfants Sahar et Erez, agés de 16 et 12 ans. La maison était partiellement brûlée et totalement pillée avec de nombreux tags sur les murs. Hadas nous a raconté comment ils ont été kidnappés après plusieurs heures cachés dans les buissons. Pendant cette période Hadas était dans son mamad, chez elle, elle nous a dit qu’elle savait ses enfants entre de bonnes mains avec leur père. Elle a été sauvée par une personne du kibboutz qui lui a permis de s’échapper. ![]() Hadas Kalderon devant la maison de son ex-mari, Ofer Kalderon, montrant des photos de ses enfants et d’Ofer, qui ont été otages du Hamas pendant respectivement 52 et 484 jours. ![]() |
L’intérieur de la maison de Ofer Kalderon, complètement saccagée et incendiée. |
A la fin de la journée, Hadas nous a emmenée chez elle, tout était saccagé mais la maison n’était pas brûlée. Elle compte s’y installer de nouveau. Quand nous étions là-bas, nous avons vu des habitants commencer à dégager les gravats, nettoyer les routes, espérant avoir les financements pour tout reconstruire. La plupart des habitants vivent encore à Eilat, Tel-Aviv ou encore Ashdod. Cette journée a été traumatisante et profondément humaine, nos sentiments étaient très contraires. Mais, nous avons eu le lendemain une merveilleuse nouvelle, Ofer Kalderon a été libéré avec deux autres otages. |
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Hadas Kalderon devant sa maison, pillée mais non brûlée. Des inscriptions militaires sur le mur témoignent du passage de l’armée et de l’état de la maison. À droite, la chambre de son fils, Erez, âgé de 12 ans lors de l’attaque du Hamas. |
Conclusion Ce mois de janvier a été une succession d’attentes interminables, de tensions extrêmes, de joies et de douleurs. Dans la prochaine newsletter, je vous plongerai au cœur de la religion juive, à travers le portrait d’un rabbin de Yeshiva, d’un jeune juif laïc devenu Loubavitch et de religieux cherchant à remettre dans le droit chemin de jeunes colons violents en Cisjordanie. Je vous parlerai également du profond traumatisme provoqué par la tragédie de la famille Bibas. Yalla Yalla. |
Nouvelle aventure en Israel / Newsletter 4
Publié le 7 avril 2025 | pas de réaction
Pour le dernier volet de notre trilogie Cuba/Japon/Israël, que nous réalisons en ce moment en Israël, je vais vous envoyer chaque mois une newsletter vous décrivant nos pérégrinations. Voici la quatrième qui est également parue dans le magazine 9Lives. Liens vers la première, vers la deuxième et la troisième. Shalom, shalom! A l’heure où le langage des bombes tente de régler les conflits un peu partout dans le monde, je vous souhaite une année 2025 placée sous le signe de l’espoir et de la paix et d’un monde plus fraternel. Cette nouvelle newsletter revient sur la période que nous avons vécue entre fin novembre et fin décembre. Ce mois a été très intense, ma newsletter sera un peu plus longue que d’habitude. ![]() Je vous souhaite une année 2025 placée sous le signe de l’espoir et de la paix. Rencontre avec les Kinés du Cœur, aux portes de Gaza Comme mentionné dans ma précédente newsletter, j’ai rencontré Didier et les membres des Kinés du Cœur, une association qui aide les militaires actuellement sur le front en leur prodiguant des soins tels que la kinésithérapie, la sophrologie, l’ostéopathie, l’aromathérapie ou encore la chiropractie. Nous sommes allés dans un camp situé en bordure de Gaza, où de nombreux soldats se préparaient à partir pour le front ou en revenaient. Au cœur d’une guerre interminable et dévastatrice, j’ai rencontré de jeunes soldats profondément affectés par leur mission, pour qui l’intervention des Kinés représente un réconfort précieux. ![]() Les Kinés du Coeur en train de réconforter des soldats à la frontière de Gaza. ![]() Un char israélien partant à Gaza. / Un soldat d’un camp en bordure de Gaza surveillant la frontière. Découverte des Circassiens : une culture entre traditions et intégration Juste après, je suis parti avec Guila à la rencontre de Zuher et des Circassiens, une petite communauté d’origine caucasienne principalement installée dans les villages de Kfar Kama et Rehaniya. Ils ont été déplacés au XIXᵉ siècle suite à la conquête russe du Caucase, durant laquelle plus de deux millions d’entre eux ont été massacrés dans une immense épuration ethnique. Les Circassiens ont adopté l’islam comme religion tout en préservant leur culture unique et leur langue, l’adyguéen. En Israël, ils sont connus pour leur loyauté envers l’État et leur engagement à maintenir leurs traditions ancestrales. ![]() Ruelle du paisible village circassien de Kfar Kama. / Le drapeau circassien flottant au-dessus du musée de l’histoire circassienne. Voyage au cœur de la vie des Druzes du Golan Avec David, à l’annonce du cessez-le-feu avec le Hezbollah, nous avons décidé de partir au début du mois de décembre à la frontière nord pour aller à la rencontre des Druzes du Golan. Le jour de notre arrivée, nous avons appris que Bachar Al-Assad venait de tomber. Nous avons ainsi été plongés au cœur de l’actualité avec l’arrivée massive de l’armée israélienne à la frontière syrienne, son entrée dans la zone tampon, et les manifestations de joie des Druzes, soulagés de voir disparaître ce régime barbare, bien qu’incertains face à ce que réservera le nouveau gouvernement islamiste. Depuis 1967 et la guerre des Six Jours, une partie du plateau du Golan est passée sous contrôle israélien, cette partie a été annexée en 1981. Pour la petite histoire, Donald Trump l’a reconnu comme territoire israélien en 2019, au point qu’une colonie et un mont portent son nom ! ![]() La frontière israélo-syrienne dans le village de Majdal Shams. C’est de chaque côté de cette frontière, sur ces collines, surnommées les collines des cris, que les familles Druzes séparées par la guerre des Six Jours et vivant de chaque côté de la frontière se parlaient pendant des décennies à l’aide de mégaphones. ![]() Rassemblement druze dans le village de Majdal Shams pour célébrer la fin du régime de Bachar al-Assad et rendre hommage aux victimes de son régime.Nous avons passé plusieurs jours à Majdal Shams et Kiryat Shmona avec deux Druzes d’une vingtaine d’années, Shadi et Salman. Les Druzes du Golan se distinguent des Druzes du nord d’Israël dont je vous parlerai dans une prochaine newsletter. Certains demandent aujourd’hui la citoyenneté israélienne, alors que d’autres se sentent encore syriens. Leur situation est hautement complexe et évolue avec les générations. Depuis la chute de Bachar Al-Assad, certains Druzes habitants en Syrie souhaitent même que leur village devienne israélien. ![]() Avec Salman, juste après la réalisation de la mise en scène de son histoire. La guerre avec le Hezbollah les a durement affectés. En juillet dernier, l’une de leurs roquettes a explosé sur un terrain de football dans le village de Majdal Shams, tuant 12 enfants et blessant 30 personnes. ![]() Le terrain de football de Majdal Shams où une roquette du Hezbollah a explosé tuant 12 enfants et faisant 30 blessés. La douleur est toujours très présente dans le village. Lors de notre traversée du Golan, nous avons croisé de nombreux anciens camps syriens en ruine et même exploré un faux village palestinien spécialement créé pour servir de camp d’entraînement militaire à l’armée israélienne. ![]() Camp d’entraînement de Tsahal ressemblant à un village palestinien dans le Golan. Photo @David Kashtan. Frontière libanaise : une traversée inattendue et de belles rencontresAprès notre séjour chez les Druzes du Golan, nous avons longé la frontière libanaise en traversant plusieurs villages. Sans le savoir, nous avons fini par entrer au Liban, dans le village de Ghajar, partagé entre Israël et le Liban. En franchissant un deuxième checkpoint, que nous avions pris pour un simple contrôle routier, nous avons traversé la frontière sans nous faire arrêter. Ce n’est qu’en apercevant les guérites de l’ONU que nous avons compris la situation. Un agent nous a rapidement escortés hors de la ville. Pour quelqu’un qui s’intéresse à la notion de frontière, cette expérience a été particulièrement intéressante. ![]() Zone grise dans le village de Ghajar peuplé de Syriens alaouites. Ce village, autrefois syrien, est à la fois en Israël et au Liban. Après la guerre des Six Jours, ses habitants ont préféré vivre sous la souveraineté d’Israël que du Liban. Le village n’est pas coupé en deux mais est situé en partie en Israël et en partie au Liban selon l’ONU. Sur la photo vous pouvez voir une guérite de l’ONU dans un ravin en contrebas de la rue principale. A l’arrière plan vous pouvez apercevoir des maisons libanaises servant de point de départ à des tunnels du Hezbollah. Tout au long de notre trajet, les stigmates de la guerre étaient visibles : une forte présence militaire, des villages en grande partie désertés, et un calme étrange planant sur ces lieux où la majorité des habitants n’a pas encore pu revenir. C’est dans le village d’Arab al-Aramshe que nous avons enfin pu échanger avec des résidents. Ce village arabe, durement touché par les tirs de roquettes et d’armes antichars, a vu ses habitants se réfugier à Nazareth pendant le conflit. Pourtant, beaucoup ont choisi de revenir rapidement, malgré les dangers. Leurs récits, empreints de courage et de résilience, nous ont profondément marqués. Nous prévoyons d’y retourner prochainement pour mieux comprendre leur vécu et leur réalité quotidienne. ![]() Checkpoint à l’entrée de Ghajar. / Un bout du mur de la frontière israélo-libanaise. Les Refuzniks : un engagement courageux pour leurs convictionsDe retour à Tel-Aviv, nous avons rencontré une Refuznik, une jeune transgenre de 17 ans, prête à risquer la prison pour son refus de faire son service militaire. Elle m’a parlé des répercussions que ce choix pourrait avoir sur son avenir et m’a raconté son combat. Je prépare prochainement une photo avec un autre Refuznik, qui lui a déjà purgé plusieurs mois de prison. Zakie, un Bédouin face à l’effondrement du tourisme En décembre, nous avons également rencontré Zakie, un Bédouin du Mont Thabor dont l’entreprise de transport touristique est à l’arrêt depuis la guerre. Pour subvenir aux besoins de sa famille, il jongle entre ce métier et un emploi d’agent de sécurité. Il croit en l’avenir d’Israël et reste positif malgré la période difficile qu’il vit. Entre le Covid-19 et le conflit, le tourisme s’est effondré, entraînant avec lui une partie importante de l’économie. Israël est aujourd’hui le pays de l’OCDE comptant le plus grand nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. ![]() Avec Zakie devant son entreprise de transport touristique, aujourd’hui à l’arrêt, après la réalisation de la mise en scène. Kibboutz autour de Gaza : une douleur abyssaleAvec Guila, nous avons commencé à aborder le sujet très sensible du 7 octobre dans les kibboutz situés le long de la bande de Gaza. Ce jour, gravé à jamais dans la mémoire collective d’Israël, a été marqué par des attaques d’une violence inouïe qui ont frappé plusieurs kibboutz autour de Gaza, provoquant un traumatisme national profond. Pour mieux « comprendre » ces évènements, nous avons décidé de partir à la rencontre des survivants qui, aujourd’hui, tentent de se reconstruire.Nous avons d’abord rendu visite à Ruthi et Maymon, un couple du kibboutz Tze’elim, situé à proximité de la bande de Gaza. Bien que leur kibboutz ait été moins durement touché que d’autres, ses habitants portent le poids des traumatismes de leurs voisins qui y ont trouvé refuge. Ruthi nous a raconté avec émotion cette journée tragique, tout en soulignant l’importance cruciale de la solidarité qui unit leur communauté. Maymon, quant à lui, a évoqué les défis logistiques, psychologiques et émotionnels auxquels ils font face depuis le 7 octobre.Grâce à leur aide, nous avons pu planifier une future visite dans les kibboutz de Nir Oz et Be’eri, parmi les plus meurtris par ces attaques. Ces lieux, encore fermés pour des raisons de sécurité et de reconstruction, restent empreints d’un silence lourd de sens. Une nouvelle menace : les missiles hypersoniques du Yémen En parallèle, alors que nous espérions que le cessez-le-feu instauré avec le Hezbollah apporterait un répit, une nouvelle menace est apparue. Les Houthis du Yémen, considéré comme l’un des bras armés de l’Iran dans la région, a intensifié ses attaques. Des missiles balistiques hypersoniques, particulièrement difficiles à intercepter, ont été tirés sur Israël, provoquant des réveils en sursaut presque chaque nuit à Tel-Aviv, entre 2h et 3h du matin, pendant plusieurs semaines. Bien que technologiquement avancé, le Dôme de fer a parfois eu du mal à neutraliser certaines de ces menaces. Heureusement, aucune perte humaine n’a été à déplorer, mais une école a été entièrement détruite et un parc pour enfants, situé à proximité de notre domicile à Jaffa, a également été touché. Ces événements ajoutent une tension quotidienne, même loin du front. Au total 40 missiles et 320 drones ont été lancés. ![]() L’école détruite par un missile du Yémen, située à Ramat Gan, dans la banlieue de Tel-Aviv. / Un parc, près de chez nous à Jaffa, également détruit par un missile du Yémen. (Photo : Heidi Levine). Des vacances de Noël sur les traces de Jésus Sur une note plus légère, décembre est un grand mois de vacances et de célébrations. En plus de Noël et du jour de l’An, nous avons également célébré Hanoukka, une fête lumineuse et joyeuse marquée par l’allumage des bougies chaque soir. Cette année, avec Olivia et les enfants, nous avons décidé de partir sur les traces de Jésus, explorant des lieux emblématiques en Israël et en Cisjordanie.Notre périple a débuté à Nazareth, où nous avons visité la majestueuse Basilique de l’Annonciation, édifiée sur le lieu où Marie a répondu “oui” à l’archange Gabriel. Nous nous sommes également rendus au puits où l’archange lui serait apparu pour la première fois, ainsi que dans les soubassements du couvent des sœurs de Nazareth qui abritent des vestiges fascinants : la maison où Jésus aurait grandi, un village antique, et même le tombeau supposé de Joseph. ![]() Grotte de l’Annonciation où Marie a dit “oui” à l’archange Gabriel. / Le tombeau présumé de Joseph sous le couvent des sœurs de Nazareth. Nous avons ensuite pris la route vers Megiddo, lieu associé dans la tradition biblique à l’Armageddon, avant de poursuivre vers le lac de Tibériade. Là, nous avons exploré Capharnaüm, lieu où Jésus trouva refuge après sa traversée du désert et où il vécut une grande partie de son ministère en Galilée, ainsi que Tabgha, site des miracles de la multiplication des pains et des poissons. À proximité, nous avons visité le lieu où Pierre bâtit la première église, avant de gravir le Mont Thabor, lieu de la Transfiguration du Christ. Nous en avons également profité pour visiter la magnifique ville de Saint-Jean-d’Acre, l’une des plus anciennes villes au monde. ![]() La ville de Capharnaüm où se situe la Maison de Saint Pierre, sur la rive nord du lac de Tibériade. Jésus s’y est rendu pour y vivre après l’arrestation de son cousin, Jean le Baptiste. Après quelques jours à Tel-Aviv, nous avons continué nos explorations en Cisjordanie, visitant Hérodion puis Bethléem. En chemin, nous avons traversé le checkpoint de Gilo Junction et longé l’imposant mur de séparation, une structure perçue par certains comme une barrière de sécurité et par d’autres comme un symbole de division et d’enfermement. À Bethléem, après avoir pris un thé au Walled Off Hotel de Banksy et inscrit des messages de paix sur le mur avec les enfants, nous avons visité la Basilique de la Nativité et la grotte où Jésus est né.Nous avons choisi de célébrer Noël à Jérusalem-Est, dans l’église du monastère Saint-Sauveur, où nous avons rejoint la communauté arabe chrétienne pour une messe empreinte de ferveur et d’émotion. ![]() Vue de la Cisjordanie depuis les hauteurs de Hérodion, la cité du roi Hérode, érigée au 1er siècle avant J.C. Les ruines de la cité se situent à 6 km au sud de Bethléem, en Cisjordanie. ![]() L’hôtel Walled Off de Banksy situé en face du mur de séparation de Bethléem sur lequel les enfants sont en train d’écrire un message de paix. ![]() Célébration de la messe de Noël dans l’église du monastère Saint-Sauveur à Jérusalem Est. Plongée dans le Jourdain : entre foi et frontière Quelques jours plus tard, nous avons traversé la Cisjordanie d’ouest en est pour aller à Kasser al Yahoud, lieu où Jésus a été baptisé. Chargé d’histoire et de spiritualité – c’est aussi ici que le prophète Elie est monté aux cieux dans un chariot de feu et que le peuple juif est rentré en Terre Promise lors de l’Exode hors d’Egypte – cet endroit est également une frontière : d’un côté, la Jordanie ; de l’autre, Israël et la Cisjordanie. Les soldats qui surveillent la frontière ajoutent une dimension quelque peu surréaliste à cet endroit biblique. Hugo et moi avons profité de l’occasion pour nous immerger partiellement dans le fleuve. Petite anecdote : j’avais déjà eu l’occasion de me plonger dans les eaux du Jourdain, mais depuis la rive jordanienne.Sur la route, nous avions prévu de visiter le monastère Saint Jérôme, et celui de la Tentation, mais notre itinéraire a été soudainement interrompu. La route était bloquée, et un homme issu d’une colonie juive s’est approché pour savoir ce que nous faisions là. Lorsque je lui ai expliqué nos intentions, il m’a affirmé que nous ne pouvions pas continuer en raison de la guerre. Cette explication nous a laissés perplexe. Face à l’impossibilité d’avancer, nous avons finalement rebroussé chemin et décidé d’aller découvrir le monastère Saint Gérasime. ![]() Le lieu du baptême du Christ, Kasser al Yahoud, où le Jourdain sert de frontière entre Israël, la Cisjordanie et la Jordanie. Exploration du désert du Néguev Nous avons poursuivi notre chemin en descendant la Cisjordanie le long de la Mer Morte vers le désert du Néguev israélien où ses magnifiques canyons aux roches rouges, baignés dans la lumière douce et dorée de l’hiver, offraient un spectacle envoûtant. Nous avons passé cinq jours dans ce décor majestueux entre balades, escalade et découverte de la vie en kibboutz. Notre voyage s’est terminé à Eilat, où nous avons célébré le passage à la nouvelle année, avant de retourner chez nous, à Tel-Aviv, en longeant la frontière égyptienne. Yalla Yalla ! ![]() Hugo passant à travers une arche dans une falaise du Néguev. / Vue impressionnante sur le Néguev depuis les hauteurs d’une falaise du parc national de Timna. ![]() Alma, Hugo et Thao jouent les explorateurs dans d’anciennes mines de cuivres égyptiennes. / Alma faisant une arabesque devant les imposants piliers du Roi Salomon. ![]() Route longeant la frontière égyptienne dans le désert du Néguev. |
Nouvelle aventure en Israel / Newsletter 3
Publié le 16 décembre 2024 | pas de réaction
Pour le dernier volet de notre trilogieCuba/Japon/Israël, que nous réalisons en ce moment en Israël, je vais vous envoyer chaque mois une newsletter vous décrivant nos pérégrinations. Voici la troisième qui est également parue dans le magazine 9Lives. Liens vers la première et vers la deuxième. Shalom, shalom ! Dans ma précédente newsletter, je vous parlais d’un mois intense, marqué par des rencontres humaines poignantes, des traditions préservées malgré les tensions, et des événements tragiques rappelant la dure réalité de cette région en guerre. Fin octobre, Israël a riposté à l’attaque de l’Iran. Depuis, nous vivons sous une menace iranienne renouvelée, perpétuant un climat de tension élevé. Cette nouvelle newsletter couvre la période entre fin octobre et fin novembre. Rencontres bouleversantes avec les Bédouins Grâce à l’association israélienne Standing Together, qui s’engage à donner une voix aux communautés marginalisées, nous avons rencontré des Bédouins dans plusieurs localités autour de Beer-Sheva, dans le nord du Néguev. Avec Guila, qui connaît bien la réalité bédouine, nous sommes allés à la rencontre de Nasser, dans le village détruit de Whadi Khalil, ainsi que de Raeed, Maryam et leurs enfants à Umm al-Hiran, un village au passé douloureux. Ces rencontres nous ont profondément bouleversés. ![]() Guila et Maryam dans sa maison à Umm al-Hiran. A droite, le même endroit quelques jours plus tard. La situation des Bédouins en Israël est complexe. Historiquement nomades, ils ont été contraints à la sédentarisation suite à la création des frontières de l’État d’Israël en novembre 1947. Certains disposaient de terres enregistrées oralement, d’autres (seulement 1% de la population) ont pu officialiser leurs titres sous l’Empire ottoman, pendant le mandat britannique ou au début de l’Etat d’Israël. Aujourd’hui, leurs droits fonciers sont contestés, ce qui a entraîné la création de nombreux villages qualifiés d’illégaux par Israël qui ne reconnaît officiellement qu’une dizaine de villes bédouines, comme Umm Batim et Hura où nous sommes également allés. Les villages non reconnus, souvent détruits, laissent derrière eux désespoir et colère. Pour approfondir ce sujet et donner la parole à Nasser, Maryam et leurs familles, nous avons décidé, avec Guila, de prolonger nos échanges après le départ de l’association. Nasser vit depuis des mois dans une tente sur les ruines de sa maison. Maryam, elle, préparait le déménagement de ses affaires lors de notre visite, sa maison devant être rasée peu après. Nous avons multiplié les rencontres avec eux, organisant deux mises en scène fortes dans ce contexte de désarroi. ![]() Guila et Nasser dans sa tente. Cette dernière, construite sur les ruines de sa maison à Whadi Khalil, a également été détruite le dimanche 10 novembre. Il l’a reconstruite depuis. Un détour par la Cisjordanie Ces échanges m’ont conduit en Cisjordanie le long du mur qui sillonne le territoire et proche de certains villages et colonies. La densité des informations et des émotions est telle que je ne peux tout relater ici, mais je le ferai lors de la présentation de mon projet. J’en ai profité pour revoir Ibrahim, dont je vous avais parlé dans ma première newsletter. Nous sommes allés chez lui, dans le quartier de Silouane, à Jérusalem Est. Il vit dans une jolie maison mais dans quartier où les détonations des Kalachnikov résonnent souvent et nous rappellent que les tensions sont très vives. ![]() La ville arabe de Hizma et, en face d’elle, la colonie de Anatot en Cisjordanie. ![]() Le mur de séparation le long de Jérusalem. ![]() Le quartier arabe de Silwan à Jérusalem, là où habitent Ibrahim et sa famille. Roquettes et tensions post-électorales Le 4 novembre, jour de l’élection de Donald Trump, une série d’événements a renforcé le climat déjà très tendu. Peu après l’annonce des résultats, des roquettes envoyées par le Hezbollah ont visé Tel-Aviv. Lors des alertes, les enfants étaient à l’école. Nous n’avons pas paniqué, mais les explosions, très proches, ont été impressionnantes et stressantes. En novembre, le Hezbollah a tiré, certains jours, jusqu’à 250 roquettes, atteignant environ 16 000 tirs depuis le début de la guerre. Ces attaques, de plus en plus meurtrières, se rapprochent de Tel-Aviv. A Ramat Gan, dans la banlieue nord de Tel Aviv, une roquette a partiellement détruit l’immeuble voisin d’un Chrétien nigérien, Steeve, avec qui j’échange pour le projet. Le nord du pays, sous alerte constante, espère un cessez-le-feu – qui finalement sera signé le 27 novembre – qui permettrait aux 60 000 déplacés de rentrer chez eux. L’espoir de voir revenir les otages vivants persiste, mais s’amenuise au fil des jours. Dans la foulée de cette élection, le limogeage de Yoav Galant, ex ministre de la Défense, par Netanyahou a provoqué des manifestations massives, soulignant de nouvelles fractures au sein de la société israélienne. ![]() Explosion d’une roquette du Hezbollah à Ramat Gan, près de chez Steeve. Toujours autant de rencontres fortes Au cours du mois de novembre, tout en poursuivant mon travail avec les Bédouins, j’ai cherché à témoigner de la vie de personnes issues de diverses communautés. J’ai donc rencontré Steeve, mais aussi Zeddie, un travailleur journalier africain vivant près de la gare centrale de Tel-Aviv, un quartier défavorisé. J’ai croisé un couple de Russes ayant fui la guerre dans leur pays pour reconstruire leur vie en Israël, avant d’être à nouveau rattrapés par un conflit. J’ai également fait la connaissance d’un soldat blessé en service, souffrant d’un état de stress post-traumatique (TSPT). En Israël, on estime que plus de 75% des Israéliens ayant effectué leur service militaire sont confrontés à ce type de trouble. Le service militaire, obligatoire dans le pays, est perçu comme un devoir essentiel pour garantir la défense nationale. Les jeunes, issus de tous horizons, intègrent l’armée avec fierté et un profond sens du don de soi, contribuant ainsi à la protection de leur pays. En retour, l’État porte la responsabilité de veiller à leur bien-être et à leur protection. Mais ce contrat tacite a été brisé avec les événements du 7 octobre et la guerre qui a suivi. La plupart de ces jeunes ne souhaitent pas cette guerre; ils aspirent à sa fin. Les souffrances sont déjà immenses, que ce soit en Israël, à Gaza ou au Liban. Beaucoup reviennent profondément traumatisés par ce qu’ils ont vécu. ![]() Boris et Rina, un jeune couple russe chez eux, à Tel-Aviv. Immersion dans un monde parallèle Un soir, avec David, nous avons exploré Bnei Brak, un quartier juif ultra orthodoxe de Tel-Aviv. L’impression d’entrer dans un monde parallèle m’a frappé. Nous avons fait la connaissance de Moshe, avec qui nous avons partagé une bière et une partie de la soirée. Je vais y retourner très prochainement. ![]() Ultra-orthodoxes à Bnei Brak, une ville située dans la banlieue nord-est de Tel-Aviv. Bnei Brak est la ville la plus densément peuplée d’Israël. Majoritairement habitée par une population ultra-orthodoxe, elle se distingue par son niveau de vie modeste et des familles nombreuses, comptant en moyenne 8 enfants par couple. Les poussettes, omniprésentes dans les rues, reflètent cette dynamique familiale unique. Evasion dans le Néguev Le 11 novembre, les enfants ont eu des vacances scolaires. Encore! Nous avons décidé de partir dans le Néguev pour respirer un peu, loin de la guerre. Mais, elle nous a vite rattrapés. À Shivta, un site archéologique byzantin, des explosions puissantes ont retenti et nous ont bien fait sursauter et bien stresser. L’armée effectuait des essais de missiles. Puis nous sommes allés à Mitzpe Ramon, un cratère spectaculaire aux couchers de soleil éblouissants, avant de remonter à Tel-Aviv via la mer Morte. ![]() Alma dans les ruines de Shivta juste avant les explosions. ![]() Le cratère de Mitzpe-Ramon, un lieu magique. Arrestation et incertitudes De retour, nous avons appris l’arrestation de Raeed, le mari de Maryam, emmené par la police à 3 heures du matin. Grâce à des avocats contactés par Guila, nous avons su où il était et il a pu rentrer le soir même, mais nous ignorons encore les raisons de sa détention. Face à l’indicible : Les massacres du 7 octobre Fin novembre, je me suis consacré à une famille musulmane d’Umm al-Fahm dont l’un des enfants subit un très fort harcèlement dans son université depuis le 7 octobre. ![]() Déjeuner à Umm al-Fahm, chez Chilwe et Ibrahim. J’ai aussi visité Sderot, le site de Nova et plusieurs kibboutz – Be’eri, Réïm et Nir Oz – tristement célèbres depuis le 7 octobre. L’horreur des lieux et les échos de tirs et d’explosions provenant de Gaza m’ont laissé sans voix. Ce jour-là, j’ai ressenti une immense tristesse. Sur cette Terre Sainte, où l’on voudrait croire en l’humanité, tout semble la contredire : d’un côté, un massacre ; de l’autre, des ruines et une guerre sans fin. ![]() La ville de Sderot, située près de la frontière avec Gaza, a été durement éprouvée par le massacre du 7 octobre et les tirs de roquettes incessants. Pour protéger la population, des abris publics (miklats) sont installés partout, espacés d’environ 10 mètres. Cette infrastructure reflète la tension constante, la peur et le traumatisme qui imprègnent la vie quotidienne des habitants. Sur cette photo, on distingue trois des onze miklats présents dans un parc pour enfants. ![]() Le long de la frontière avec Gaza, les traces du 7 octobre restent visibles. De nombreux abris sont criblés d’impacts de balles, témoins des événements tragiques où des centaines de personnes, cherchant refuge, ont perdu la vie. Conçus comme des abris anti-roquettes, ces miklats, qui ne se verrouillent pas, ont été pris d’assaut par les terroristes du Hamas, qui y ont jeté des grenades et tiré à l’intérieur. Depuis, un système de verrouillage interne a été installé dans la plupart de ces structures pour renforcer leur sécurité. ![]() Le festival Nova, tragiquement marqué par les événements du 7 octobre, a été l’un des lieux les plus durement touchés. 364 personnes y ont perdu la vie, et 40 ont été prises en otage. ![]() Sur le site du massacre de Nova, de nombreuses oeuvres commémoratives ont été installées, rendant hommage aux victimes et perpétuant leur mémoire. ![]() Une des routes reliant Gaza à Israël, empruntée par les terroristes du Hamas lors des attaques. À l’horizon, on aperçoit les ruines de Gaza. Aujourd’hui, la bande de Gaza est presque entièrement détruite. Ses habitants vivent dans des conditions extrêmement précaires et la famine y est omniprésente. Solidarité au cœur des ruines À la fin du mois de novembre, nous sommes retournés voir Nasser, qui a reconstruit sa tente après sa destruction, ainsi que Maryam, Raeed et leurs enfants, qui vivent désormais dans un préfabriqué à Hura. ![]() La nouvelle maison en préfabriqué de Maryam dans la ville de Hura. Nous avons également rendu visite à Alaa, jeune bédouine, dans la ville de Umm Batim. Son grand-père, un ancien militaire, est décédé en mission, et son père, autrefois politicien et activiste, est décédé il y a deux ans. Elle vit aujourd’hui seule avec sa mère et sa petite sœur. Alaa rêve de poursuivre ses études à l’étranger, ne se voyant aucun avenir en Israël, où les tensions entre les Bédouins et le gouvernement ne cessent de s’intensifier ou en Palestine. ![]() Alaa et sa petite nièce dans les rues de Umm Batin. Lors de notre retour à Umm al-Hiran, nous avons découvert les ruines des maisons, et un immense chagrin nous a envahis, Guila et moi. Ce chagrin s’est intensifié lorsque nous avons aperçu des dizaines de chiens et de chats errants parmi les décombres. Guila a immédiatement décidé de leur venir en aide. Nous sommes donc retournés à Tel-Aviv pour remplir le coffre de nourriture, et Guila a contacté des associations pour organiser leur prise en charge et leur sauvetage. Nous sommes ensuite revenus pour les nourrir, accompagnés de Guila, Olivia, Shadi – un jeune Bédouin dont la maison avait été détruite – et de Mazen, un vétérinaire, lui aussi originaire d’Umm al-Hiran. ![]() Guila, Olivia, Shadi et Mazen nourrissent les chats et chiens abandonnés dans les ruines de Umm al-Rihan. Une lueur d’espoir dans un mois sombre Ce mois de novembre, éprouvant psychologiquement, m’a offert de belles rencontres malgré des récits et des images bouleversants. Heureusement, j’ai découvert l’association Les Kinés du Cœur et vécu un moment de respiration artistique grâce à la compagnie de danse Vertigo. Je vous en parlerai en détail dans ma prochaine newsletter. Nous sommes également dans l’attente des résultats du cessez-le-feu signé entre Israël et le Hezbollah. Nous espérons qu’il va tenir et aboutir également à la libération des otages et la fin de la guerre à Gaza. Yalla Yalla. |
Nouvelle aventure en Israël / Newsletter 2
Publié le 18 novembre 2024 | pas de réaction
Pour le dernier volet de notre trilogie Cuba/Japon/Israël, que nous réalisons en ce moment en Israël, je vais vous envoyer chaque mois une newsletter vous décrivant nos pérégrinations.Voici la deuxième qui est également parue dans le magazine 9Lives. For the final part of our Cuba/Japan/Israel trilogy, which we are currently completing in Israel, I will send you a monthly newsletter describing our travels.Here is the first one, which also appeared in 9Lives magazine.(English version at the end of the Newsletter.) |
Shalom, shalom !Avant de vous raconter la suite de nos aventures, je souhaite préciser que ces correspondances, tout comme mon projet photographique, sont dépourvues de toute dimension politique. Bien que l’actualité soit terrible dans cette région, mon intention est simplement de partager avec vous nos expériences personnelles et professionnelles, sans émettre de jugement. Les événements tragiques au Proche-Orient plongent la région dans la violence, entraînant tous ceux qui aspirent à la paix dans un engrenage de tristesse et de malheur. Veuillez noter également que ce journal de bord est forcément décalé par rapport à l’actualité. Résumé de la première newsletterDans notre dernière édition, je vous ai raconté notre arrivée à Tel Aviv, nos premières rencontres et le lancement de notre projet avec Guila et David dans le nord d’Israël. Nous avions conclu sur une note d’inquiétude, marquée par l’attentat survenu près de chez nous et l’attaque de l’Iran, qui avait lancé près de 200 missiles balistiques sur Israël. |
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Environ 200 missiles ont été envoyés par l’Iran le 1er octobre. Ils ressemblent à de véritables comètes dans le ciel. Sur la photo de droite, l’un d’eux est intercepté par le Dôme de Fer. |
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Israël est en deuil. L’attaque terroriste du 1er octobre à Jaffa a fait 7 morts. |
De retour à Jérusalem En seulement un mois, tant de choses ont changé. Un mois s’est écoulé, mais nous avons l’impression qu’il s’en est passé six. Suite à l’attaque de l’Iran, Olivia et moi avons pris le temps d’évaluer la situation avec calme, refusant de céder à la panique et nous avons, pour l’instant, décidé de rester. Avec Guila, nous sommes retournés à Jérusalem pour rencontrer le Père Gabriel, un prêtre éthiopien vivant sur le toit du Saint-Sépulcre. Cette rencontre m’a offert une chance rare d’approfondir ma compréhension de cette communauté, considérée comme transparente dans la société de Jérusalem. Nous avons également accompagné Ibrahim, un Palestinien du quartier de Silouane, et sa famille dans la récolte des olives sur leurs terres centenaires. Bien que menacée par des colons sous prétexte de « réserve naturelle », une partie de leur propriété reste encore précieusement cultivée par cette famille forte et résiliente. La journée fut particulièrement riche et intense puisque nous avons aussi échangé avec un prêtre copte, ainsi qu’avec un habitant d’une colonie située sur les toits de Jérusalem. Le projet avance, mais il soulève sans cesse des questions sur les paradoxes de cette société, peuplée de personnes issues de centaines de pays différents, aux cultures diverses et, souvent, porteuses de visions diamétralement opposées quant à l’avenir du pays. |
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Un prêtre éthiopien sur les toits du Saint-Sépulcre à Jérusalem. |
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Les oliviers d’Ibrahim dans le quartier de Silouane à Jérusalem. |
Commémorations du 7 octobre Le 7 octobre 2024 a marqué le triste « anniversaire » du massacre perpétré par le Hamas. Malgré l’interdiction de rassemblements de plus de 300 personnes imposée par le gouvernement, de nombreuses manifestations ont eu lieu, témoignant de la volonté des gens de se recueillir, se souvenir et se faire entendre. L’atmosphère était lourde de tristesse et de désespoir. Un an déjà depuis les massacres, un an que des centaines de personnes sont otages à Gaza, et qu’une guerre ravage cette région à seulement quelques kilomètres d’ici, avec les civils comme principales victimes. En réponse à cette commémoration, le Hezbollah et le Hamas ont lancé une importante salve de roquettes sur Israël. Lors du retentissement des alarmes, les enfants étaient à l’école, en sécurité dans le mamad, et nous avons été immédiatement informés par la directrice de leur situation. Nous les avons retrouvés à 16h20, en pleine forme et parfaitement sereins malgré l’alarme entendue le matin même. Il est donc vrai qu’on finit par « s’habituer à tout ». Depuis, d’autres événements similaires ont ponctué notre vie. Les Israéliens ont un mot pour décrire cette réalité quotidienne : « balagan », ce terme évoque le chaos, le désordre, mais un désordre auquel on apprend à faire face, un chaos organisé où, malgré tout, la vie continue. |
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Un an déjà. Le 7 octobre 2024 Israël se recueillait pour la mémoire des 1 207 victimes de l’attaque terroriste du Hamas et des 101 personnes encore en otage. |
De formidables échangesCe mois d’octobre fut intense, marqué par des rencontres avec des dizaines de personnes passionnantes, aux histoires fortes et éprouvantes. Guila a également été profondément émue par leurs récits et leurs regards chargés de désespoir. Ces échanges nous transportent à chaque fois dans un véritable tourbillon émotionnel.Une rencontre attendue et authentique |
Une rencontre attendue et authentiqueLa rencontre entre Guila et David a enfin eu lieu. Lors d’une soirée organisée par des survivants de Nova, au milieu de témoignages bouleversants et d’œuvres poignantes exposées sur les murs, ils ont tout de suite trouvé une connexion naturelle. Cet échange reste pour moi un précieux moment de partage. |
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David et Guila se rencontrent enfin! |
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Rencontre avec un survivant du massacre de Nova. |
Avec les “déserteurs de Dieu” Le lendemain, avec David, nous sommes partis à Jérusalem pour rencontrer des « déserteurs de Dieu », des ultra-orthodoxes qui ont fait le choix de changer de vie, d’aller vers le monde laïc, un choix difficile que l’on appelle ici « retourner à la question. » Ces échanges profonds et intenses m’ont donné l’envie de raconter l’histoire de l’un d’eux, qui est encore entre ces deux mondes, à travers une mise en scène au mikvé de Lifta, un village palestinien niché au cœur d’une vallée de Jérusalem, un lieu chargé d’histoire qui suscite de nombreuses controverses. Cette mise en scène permet de saisir toute la profondeur de ces vies et la complexité des choix personnels face aux traditions. |
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Le village palestinien de Lifta. A droite, le portrait de David et moi-même a été pris juste après la photo réalisée dans le mikva de Lifta qui a nécessité un petit bain! |
Derrière chaque habitant d’Israël se cache une histoire unique Il est impossible de raconter toutes mes rencontres, mais certaines m’ont particulièrement marqué. Il y a d’abord Shula, survivante du massacre du kibboutz Réïm, que nous avons retrouvée à Tel-Aviv, déplacée avec 150 autres familles suite au 7 octobre. Puis Mohammed, Abdo et ses enfants, Palestiniens du village de Jisr Al-Zarqa, où j’ai souhaité retourner pour documenter la vie dans cette ville qui semble avoir été mise à l’écart de la société. À Haïfa, j’ai également rencontré Vadim, dont la famille ukrainienne, composée de sa mère et de sa sœur, traverse un récent deuil. Enfin, il y a Ziv, un soldat de réserve ayant servi six mois à Gaza, qui cherche à concilier la défense de son pays avec son désir de paix, en s’investissant dans un programme éducatif prônant la tolérance et l’ouverture. Chacune de ces histoires m’a inspiré un profond sentiment d’admiration et de respect. |
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Mohamed et Gineh après 3 heures de dur labeur et de patience pour la réalisation d’une mise en scène!Photo @ David Kashtan |
Un temps de fêtes et de tensions Début octobre a aussi été marqué par les célébrations de Roch Hachana (le nouvel an juif que nous avons célébré dans une famille de Jérusalem) et de Yom Kippour, le jour du grand pardon. Ce jour-là, l’autoroute est désertée par les voitures, et nous avons profité de cette tradition unique pour y faire du vélo en famille et avec des amis. Ensuite est venu Souccot, la fête de la joie et des cabanes, un moment festif en Israël durant lequel de nombreuses cabanes sont installées dans l’espace public pour célébrer l’événement. Dans l’après-midi, la mort de Yahya Sinwar, chef du Hamas et cerveau du 7 octobre, fut annoncée. Des cris de joie et de soulagement retentirent sur la plage et dans les rues à l’annonce de sa mort, ravivant un nouvel espoir pour la libération des otages. Même les sauveteurs en mer prirent le micro pour diffuser la nouvelle depuis leur poste de surveillance. Cependant, quelques heures plus tard, cette ferveur s’était teintée d’inquiétude, alimentée par la crainte de représailles et de nouveaux attentats. Par prudence, nous avons préféré rester chez nous le lendemain, et les enfants ont pu en profiter pour se reposer. Le jour suivant, alors que j’étais à Haïfa avec Vadim et sa famille, 180 roquettes ont été interceptées par le Dôme de fer. C’était à la fois impressionnant et irréel à observer. |
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Hugo au milieu d’un groupe de cyclistes sur l’autoroute à Tel-Aviv le jour de Yom Kippour. |
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Interception, dans le ciel de Haïfa, d’une vingtaine de roquettes tirées par le Hezbollah. |
Des vacances culturelles Les enfants ont eu une dizaine de jours de vacances, et nous en avons profité pour visiter des lieux emblématiques comme le Mont des Oliviers, Gethsémani, le tombeau de la Vierge, le Mur des Lamentations et l’Esplanade des Mosquées. Nous avons été profondément émus par la beauté de ces sites, leur importance dans l’histoire de l’humanité, et leur rôle dans les tensions actuelles. Il est difficile de comprendre comment des lieux si spirituels, empreints de tant de beauté, puissent être le théâtre d’enjeux idéologiques mettant en péril des populations et divisant des communautés autrefois unies par des racines communes. |
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Prière d’un Palestinien sur un parking en haut du Mont des Oliviers. |
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Prière d’une pèlerine africaine devant le tombeau de la Vierge Marie. |
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L’Esplanade des Mosquées (ou Mont du Temple pour les Juifs) totalement déserte.Un site au centre de toutes les tensions. |
Nous avons également exploré Beit Guvrin et Massada, des sites historiques impressionnants et succombé au charme du sel de la mer Morte. Les enfants ont flotté avec délectation dans cette eau unique, ravis de cette sensation inédite ! Sur le chemin du retour, nous sommes tombés par hasard sur les ruines d’un parc d’attractions abandonné, englouti par les dolines omniprésentes autour de la mer Morte, ajoutant une touche surréaliste au paysage. |
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Un Israélien assis sur un mur en ruine de la citadelle de Massada avec, en arrière plan,la mer Morte et la Jordanie. |
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Hugo flottant dans la mer Morte. |
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Olivia, Alma et Thao au milieu d’une route totalement détruite par des dolines au bord de la mer Morte. Les dolines sont des crevasses qui se forment lorsque la roche calcaire sous la surface est dissoute par les eaux souterraines. Elles sont apparues autour de la mer Morte à la fin des années 1980. |
Nouvelle aventure ! Première Newsletter de notre Projet en Israël.
Publié le 28 octobre 2024 | pas de réaction
Pour le dernier volet de notre trilogie Cuba/Japon/Israël, que nous réalisons en ce moment en Israël, je vais vous envoyer chaque mois une newsletter vous décrivant nos pérégrinations. Voici la première qui est également parue dans le magazine 9Lives. ![]() Vue depuis notre appartement, situé dans le quartier de Noga, donnant sur la mosquée Mahmoudiya et l’église Saint Pierre de Jaffa. Shalom, shalom ! Nous voici désormais en Israël, dernier chapitre de notre trilogie familiale après Cuba en 2016 et le Japon en 2019. Ces trois sociétés partagent un point commun : elles interrogent la place de l’individu au sein du corps social, dans des pays aux frontières fragiles et/ou souvent isolés dans leurs régions. Depuis un mois, nous avons posé nos valises à Tel-Aviv avec Olivia, Alma, Hugo et Thao. Ce premier mois a été particulièrement intense, rempli de rencontres, de découvertes, d’émotions, et marqué par une tension constante. L’arrivée à Tel-Aviv : le calme avant la tempête Nous avons atterri à Tel-Aviv le 31 août, et dès notre arrivée à l’aéroport, l’atmosphère pesante et la multitude de portraits des otages israéliens nous ont immédiatement plongés dans la tristesse de cette époque et le contexte douloureux du conflit actuel. Mais en rejoignant le centre, nous avons retrouvé l’énergie vibrante qui caractérise Tel-Aviv, la ‘Colline du Printemps’, construite sur le sable et toujours en pleine effervescence. Notre appartement se situe entre Jaffa, l’ancienne ville portuaire palestinienne, et Neve Tzedek, un quartier bohème qui incarne le renouveau de la ville. Très vite, nous avons pris nos marques dans cet environnement contrasté et fascinant. Un quartier multiculturel Notre quartier est un véritable carrefour de cultures et de religions. Chaque jour, l’appel à la prière du muezzin résonne dans les rues, suivi des cloches de l’église Saint-Pierre de Jaffa. Cette cohabitation des trois grandes religions monothéistes est un spectacle quotidien, et les enfants sont captivés par cette diversité culturelle. Les défis du quotidien Tel-Aviv est une ville chère, et chaque achat demande un peu de stratégie. Premier défi donc : dénicher des endroits qui ne feront pas exploser le budget ! Deux jours après notre arrivée, les enfants ont fait leur rentrée scolaire. Malgré quelques appréhensions, tout s’est très bien passé. Alma, Hugo et Thao se sont rapidement acclimatés à leur nouvelle école, où ils ont été chaleureusement accueillis. ![]() Deux jeunes filles effectuant leur service militaire à la gare ferroviaire de Tel-Aviv. Celle de gauche vient tout juste de commencer, tandis que celle de droite fait déjà partie d’une unité de la police des frontières israélienne (MAGAV). Une présence militaire omniprésenteIl est encore difficile de s’habituer à la présence constante d’armes dans les rues. Voir autant de jeunes, en uniforme ou en civil, armés de fusils d’assaut, est troublant. Ici, le service militaire est obligatoire, et à 18 ans, garçons et filles sont déjà sur le terrain. C’est un contraste saisissant de voir ces jeunes à peine majeurs évoluer avec des armes tout en menant leur vie quotidienne. ![]() Le cœur de Tel-Aviv et d’Israël bat au rythme des otages. Ils sont présents partout, dans les rues, sur les façades des immeubles, dans les maisons, les restaurants, sur les voitures, sur les vêtements. ![]() 251 personnes ont été enlevées le 7 octobre 2023. 63 personnes sont encore otages dont deux enfants. 34 personnes dont les corps n’ont pas été retrouvés ont été déclarées mortes. 37 personnes ont été retrouvées mortes par les soldats de Tsahal. 117 libérations ont été obtenues. Le souvenir du 7 octobre Le 7 octobre a laissé une empreinte profonde en Israël, et Tel-Aviv, tout comme le reste du pays, porte encore les plaies béantes de cette tragédie. Les rues sont remplies de rubans jaunes et d’affiches soutenant les otages captifs. Chaque samedi, des manifestations réclament leur libération. La solidarité et la douleur collective sont omniprésentes. ![]() David avec une famille du village druze Yanuh-Jat, dans le nord d’Israël, lorsque nous leur donnons un appareil photo jetable et un carnet de note après avoir réalisé une mise en scène. ![]() Guila sous les oliviers d’Ibrahim dans la vallée de Hinnom, aussi appelée vallée des lépreux. Nos premières rencontres : des moments forts Peu après notre arrivée, j’ai commencé à travailler avec Guila et David, mes fixeurs sur place. Guila, véritable encyclopédie vivante, connaît l’histoire d’Israël, de la Palestine et de leurs habitants dans les moindres détails. David, photographe et réalisateur, possède, tout comme Guila, un talent exceptionnel pour nouer des liens authentiques avec chaque personne que nous rencontrons. Nous avons partagé des moments intenses, comme notre premier Shabbat chez la sœur de David, une soirée chaleureuse et émotive. Nous avons également passé un autre Shabbat avec Katie, une amie de Guila, qui accompagne les victimes traumatisées par les événements du 7 octobre. ![]() Le mur des lamentations à Jérusalem un soir de Shabbat. Jérusalem : une expérience bouleversante Notre visite à Jérusalem avec Guila a été un moment fort. Le poids de l’histoire est palpable dans chaque rue. Nous avons arpenté le marché arabe, le quartier chrétien, puis visité l’église du Saint-Sépulcre, quasiment vide, loin des foules habituelles. Ce moment de recueillement, hors du temps, a été particulièrement marquant. Quelques heures après notre départ, un soldat israélien a été poignardé à la Porte de Damas, rappelant que la violence est toujours présente, même dans un cadre aussi chargé d’histoire. Première alerte missile : une nuit sous tension Quelques jours après notre retour de Jérusalem, nous avons vécu notre première alerte missile. La nuit était calme jusqu’à ce que la sirène retentisse, signalant l’arrivée d’un missile lancé depuis le Yémen par les Houthis. Nous avons précipitamment emmené les enfants dans notre mamad (pièce sécurisée), tandis que les explosions du Dôme de fer résonnaient au loin. Malgré la tension palpable, les enfants sont restés étonnamment calmes. ![]() Tamar, une habitante du kibboutz de Klil en train d’essayer ma chambre photographique . ![]() Une grand-mère et son petit fils dans le port de pêcheurs du village arabe Jisr al-Zarqa. ![]() En conversation avec Gilles Alexandre dans le kibboutz Ma’ale Efraim à la frontière nord avec la Cisjordanie. Voyage dans le nord : entre découvertes et incertitude Avec David, j’ai exploré le nord d’Israël, une région à la fois magnifique et sous tension en raison de sa proximité avec le Liban. Nous avons visité des kibboutz et vécu des moments précieux avec leurs habitants, tout en partageant des repas dans des villages druzes et palestiniens, certains marqués par la présence oppressante du mur de séparation avec la Cisjordanie. Plus au centre, à Baqa al-Gharbiyye, les habitants nous ont raconté comment le mur avait bouleversé leur quotidien, séparant familles et communautés. Nous avons également échangé avec de jeunes militaires sur la jeunesse israélienne, ainsi qu’avec des Juifs orthodoxes en mission, et des personnes incroyablement fortes et inspirantes qui cherchent à unir plutôt qu’à diviser. La situation s’est aggravée lorsque le Mossad a lancé une opération visant à neutraliser les bippers et talkies-walkies du Hezbollah. Des explosions ont secoué la région, et peu après, l’annonce de la mort de Hassan Nasrallah, le leader du Hezbollah, a renforcé l’incertitude, laissant craindre une escalade imminente. Bien que les habitants semblaient rester calmes, l’inquiétude était palpable. Face à l’intensification des tensions, je me suis inquiété pour Olivia et les enfants restés à Tel-Aviv et ai décidé de rentrer plus tôt que prévu. Ce voyage m’a révélé non seulement la remarquable résilience des habitants du nord, mais aussi la précarité de la paix. Retour à Tel-Aviv : sécurité et vigilanceÀ mon retour, Olivia m’a raconté qu’elle et les enfants avaient vécu une alerte missile alors qu’ils étaient à la plage. Ils ont dû se précipiter pour trouver un mamad public en quelques secondes. Heureusement, grâce à l’aide des locaux, ils ont pu se protéger tout en gardant leur calme. J’ai été frappé de voir à quel point ils se sont adaptés à cette nouvelle réalité, même si l’anxiété grandit chaque jour. Nous en parlons régulièrement, envisageant un départ si la situation l’exige. Conclusion : adaptation et résilienceCe premier mois en Israël nous a plongés dans une réalité faite de tensions et de rencontres humaines extraordinaires. Nous apprenons à vivre sous cette pression constante et nous nous acclimatons peu à peu. Le projet avance bien, malgré l’incertitude ambiante, et nous continuons à explorer ce pays fascinant et à rencontrer sa population, un pas après l’autre. Yallah yallah comme on dit ici. PS : Mardi 1er octobre — Attentat terroriste et missiles iraniens Juste avant d’envoyer cette newsletter, un attentat a frappé Jaffa, près de chez nous, suivi du tir de 200 missiles balistiques iraniens. À l’alarme du Dôme de fer, nous avons rapidement regagné notre mamad, où nous sommes restés environ une heure. Les enfants, bien que calmes, ressentaient la tension ambiante. Cet attentat, qui a fait plusieurs victimes, associé à la violence de l’attaque iranienne, nous pousse à envisager sérieusement le retour des enfants à Paris pour leur sécurité.Dans mon prochain journal de bord, je vous raconterai cet événement, ainsi que la commémoration du 7 octobre et l’état du pays et de la région à l’anniversaire du massacre qui a déclenché une guerre qui semble interminable. |
Portfolio dans le luxueux magazine grec NOMAS
Publié le 19 août 2024 | pas de réaction
Le prestigieux magazine grec NOMAS vient d’éditer un portfolio de 12 pages sur Hakanai Sonzai.
Retrouvez également dans ce numéro spécial Japon dont j’ai fait la couverture une grandes interview autour de mon projet japonais.
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Portfolio dans RSF – 100 photos pour la liberté de la Presse – Regards sur le Japon
Publié le 4 juin 2024 | pas de réaction
Je ne peux pas vous dire à quel point je suis fier de participer au Numéro 76 – Regards sur le Japon de cette légendaire revue de Reporters sans frontières à l’occasion des Rencontres d’Arles.
Mes photographies sont présentées aux côtés des légendes, Werner Bischof, Nicolas Bouvier, Henri Cartier-Bresson, Ken Domon, Masahisa Fukase et Daido Moriyama. Et des immenses photographes Françoise Huguier, Charles Fréger, Ishiuchi Miyako, Toshio Shibata et Gueorgui Pinkhassov.
Vous retrouverez également un très bel avant-propos de la grande écrivaine Amélie Nothomb et un texte passionnant de Emil Pacha Valencia.
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